Une erreur est survenue

Vous avez reçu un e-mail

Connexion

Aucune démarche commerciale
Pas encore inscrit ? Inscription
Une erreur est survenue

Vous avez reçu un e-mail

Inscription

Aucune démarche commerciale
Déjà inscrit ?

La résistance de l'air (2015)

Maxime Mathieu
Maxime Mathieu

La résistance de l'air est un film dramatique proche du thriller. Il prend une intrigue déjà largement traitée, mais les auteurs y ajustent une structure différente et intéressante.

7 minutes

Acte I —Show Don't Tell

Le but du « Show Don't Tell » est d’exposer une histoire en montrant les faits, plutôt qu'en les expliquant par le dialogue.

Par exemple :

Dans la première séquence, on voit un assassinat sanglant. Puis dans la deuxième, Delphine organise la visite guidée de la maison en construction. Et enfin dans la troisième, on assiste à une petite dispute (à propos d'argent) du couple sous le nez de leur fille âgé d'environ onze ans.

Ainsi, en l'espace de quelques minutes on apprend que le ménage est formé depuis au moins onze ans, qu'ils font construire une maison et donc façonnent un projet commun. On peut dès lors en déduire que tout se passe bien dans leur couple. De plus, la dispute au sujet de l'argent montre un manque de certitudes financières. Quant à la première séquence, elle pose un climat noir qui promet une suite dramatique.

Tout l'acte I se dessine de la sorte :

Vincent est un champion de tir, le meilleur de son club. Il va participer à une compétition nationale, mais il n'est pas non plus un candidat sérieux. Son père est un poids pour lui, pour Delphine et donc pour son couple.

En parallèle, la situation du héros se dégrade exponentiellement. La tension monte, les moments d'accalmie s’écourtent.

Dans un thriller, si la tension est constamment soutenue alors le spectateur se lasse et n'apporte plus autant d'attention. C’est pourquoi on lui donne des épisodes d'accalmie. C'est nettement remarquable dans les films épiques où après chaque bataille il y a une pause, il fait jour, les personnages se détendent, ils rient, etc.

La scène de la fête foraine offre un moment d'accalmie, mais il est abrégé et engendre une aggravation de la situation. Car la fille de Vincent lui avoue qu'elle préfère rester chez sa mère (et elle ne l'avoue pas directement par le dialogue).

Dans ce contexte noir et déprimant, Renaud est le seul à lui apporter un peu de sympathie. C'est un moment d'accalmie pour le spectateur, mais aussi pour Vincent. Malgré tout, dans la scène du café, on sent en Renaud, une attitude louche. Son amitié ne semble pas désintéressée. Cette impression est mise en valeur, selon moi, par la noirceur du film et par l'accent de Renaud. Hors de question de faire de la xénophobie ici. Mais soyons honnêtes, en France, 95 % des personnages avec un accent germanique se révèlent méchants.

Renaud revient une troisième fois (vers la 33e minute) et nous propose cette fois l'élément déclencheur : le premier contrat.

Spoiler alert : il accepte sans le dire.

Acte II — ce qui compte, c'est l'atterrissage.


Les auteurs accentuent la triste situation de Vincent en tuant son père. Il essaie de trouver refuge vers Delphine, mais ne trouve que Renaud.

Renaud a une mauvaise influence sur Vincent :

– Il accentue sa violence (bagarre dans la boîte de nuit et avec le contremaître).

– Il accentue sa virilité (moto, sexe).

– Il l'entraîne à mentir.

Les auteurs, avec l'aide de Renaud, le transforment en bad-boy grâce aux clichés.

La préparation/le paiement

Cette technique permet d'exposer un fait ou de résoudre une problématique d'une façon logique et intuitive. À l'inverse, on peut trouver le « deus ex machina », qui permet de résoudre de manière inopinée une situation. Ce procédé est très gratifiant pour le spectateur, car on lui donne l'impression de suivre l'intrigue.

Vers [51:05], lors d'un dialogue, Renaud questionne Vincent à propos de ce qu'il dirait si on lui demandait où il a trouvé l'argent. C'est tourné comiquement d'abord (accalmie), puis cela devient un conseil. C'est de toute évidence une préparation, car l'on sait (l'on espère) que la situation jouée par les personnages va se réaliser. Et effectivement, c'est le cas dans la séquence suivante.

Généralement, le paiement se déroule bien plus tard dans l'intrigue parfois même au climax, pour donner plus d'intensité. Ici, le paiement s’exécute aussitôt, c'est surprenant et cela fonctionne bien. Tellement bien que c'en est presque comique (accalmie).

Mais le deuxième paiement est bien plus important pour l'histoire. Vers [1:02:00], Delphine lui demande d'où vient l'argent et il ne répond pas, il ne veut pas lui mentir. Il a donc toujours des sentiments forts pour elle. Elle également puisque dans la scène précédente elle lui sort la fameuse phrase qui en dit long : « Tu t'en vas déjà ? ».

Banalisation des meurtres

Le personnage de Renaud apporte, pour moi, quelque chose de différent par rapport aux thrillers que l'on peut voir. Il banalise totalement le meurtre. Il fait un débriefing comme on pourrait le faire pour une prestation dans une entreprise.

« Vincent, il faut que je te dise que la vie continue. Que tu es quelqu'un comme tout le monde. » [42:30]

Il minimise le meurtre et donne des conseils pour mieux accepter ce qu'il vient de commettre. Il tente de lui faire extérioriser ses sentiments. Il a un rôle d'ami-psychologue, de soutiens. Et donc, il passe pour quelqu'un de sympathique malgré le fait qu'il soit commanditaire d'un meurtre.

Après l'élément déclencheur, on voit de nombreuses scènes où Renaud et Vincent apparaissent ensemble, beaucoup plus souvent que les scènes où Delphine et Vincent le sont. Ce genre de thriller est courant et le rôle de Renaud étant défini selon les clichés habituels du commanditaire. On se doute, mais au fond on sait que Renaud va lui demander encore de tuer. De plus, le premier contrat s'est très bien déroulé ce qui donne de l'espoir dans la réussite des futurs assassinats.

Le deuxième contrat s'intercale dans l'emploi du temps de Vincent, comme une simple réunion ou un déplacement professionnel.

Crescendo

Comme tout thriller qui se respecte, l'intensité monte crescendo.

Durant le deuxième contrat, Vincent ne tire pas et provoque la colère de Renaud. Ici, on rencontre enfin le véritable méchant que représente Renaud (car il devient violent et menaçant). La pression de Vincent augmente et il montre également des actes de violence (verbalement) envers son entraîneur. Il semble mimétiser les réactions de Renaud.

Le troisième contrat fait prendre une tournure encore plus dramatique au film. Vincent est pourchassé et la cible lui tire dessus. La course-poursuite, bien que courte et mesurée, ajoute de l'action dans ce thriller. Cet évènement marque aussi la première remise en question de Vincent sur ses propres actes.

Mais il est bel et bien entré dans l'engrenage quand il dit à Delphine que c'est peut-être elle qui n'a pas suffisamment changé [1:23:10], alors qu'elle lui en veut d'être un tueur.

Puis il se rend compte que ses assassins le suivent. Il le sait par le biais de Renaud tout d'abord. « C’est pas une blague Vincent, c’est pas une blague […] ça c’est sérieux. » [1:15:38] puis surtout, car l'homme qui le pourchasse est aussi le sanglant assassin de la première scène.

Enfin, il quitte précipitamment le concours de tir, brillamment gagné, pour éviter d'attirer des ennuis à Delphine. Il tue ses bourreaux. Cette séquence est le climax, mais aucun coup de feu n'est montré à l'écran alors que deux meurtres sont commis.

En parallèle et quasiment oublié, l'avancement de la compétition de tir augmente la pression également, car il se rapproche de la Finale. Cela paraît une goutte d'eau face à l'océan vis-à-vis de ses autres problèmes. Mais ceci nous ramène au personnage ordinaire auquel appartient Vincent.

Acte III — sur la route

« Il ne faut plus jamais que l'on se quitte »

Ce sont les mots énoncés par Vincent après le double homicide à son appartement. C'est la conclusion de la problématique du film : comment peut-on en arriver là ? C'est aussi la réponse à sa remise en question après la fusillade en Italie.

L'amour serait donc le seul à nous tenir sur le bon chemin ?

On pourrait croire que la fin est ouverte étant donné la rapidité du troisième acte. Ou bien qu'elle est bâclée.

Mais ce n'est pas le cas.

Vincent a compris que son "écart" est dû à l'éloignement de son âme sœur. Il va donc revenir à une vie normale en compagnie de Delphine. Pour cela, il range son arme dans la boîte à gant.

On est en droit de se poser la question concernant Delphine, mais ce n'est qu'un personnage secondaire. Jamais elle n'est mise en lumière, elle complète simplement l'histoire de Vincent. La seule information que l'on a : c'est qu'elle revient et qu'elle l'aide à s'enfuir. On peut donc imaginer qu'elle le pardonne et retourne vivre avec lui, ailleurs.

Sur la dernière scène, toute la pression retombe et le plan d'une minute et quarante secondes est quasiment figé.

Leur fille ne semble pas traumatisée. Leur visage est fermé :

– Soit, ils ont eu peur et donc le stress les empêche de parler.

– Soit, ils retournent dans leur vie d'avant, ennuyeuse.

Mot de la fin

Beaucoup de critiques jugent ce film comme un mauvais polar (film policier). Ce n'est pas le cas, car il n'y a pas d'énigme(s) à résoudre.

D'autres soulignent l'ennui. Les personnages ne sont pas très profonds. Aucune fioriture n’est ajoutée autour de l'histoire de Vincent et celui-ci est central. Pour moi, ce scénario ne délivre que des informations importantes concernant l'intrigue. Et cette dernière n'est pas fournie.

Selon ImDB : « Vincent, un champion de tir, se retrouve empêtré dans un complot dangereux après avoir accepté un contrat bien rémunéré. »

La résistance de l'air n'a pas de grandes prétentions, l'histoire est courante, vue et revue des centaines de fois. C'est la structure qui, pour moi, est différente. Et je la trouve cohérente, mais ce n'est que mon avis.

Crédits

Le scénario a été écrit par Noé Debré et Thomas Bidegain